7 février 2020 à 06:57
INTERVIEW
« On n’est pas éternel ! »
Après plus de quarante ans à Chaumont, dont vingt-huit de présidence, Jean-Pierre Delamarre a décidé de passer la main. Pour autant, il ne quitte pas le club de son cœur, estimant que sa « mission » n’est pas terminée. Explications.
Jean-Pierre Delamarre est l’homme d’un seul club, le Chaumont FC. Arrivé à sa tête en 1991, après le dépôt de bilan de feu l’ECAC, il a œuvré durant vingt-cinq ans, aidé par de fidèles bénévoles. Droit dans ses bottes, malgré des hauts et des bas, Jean-Pierre Delamarre n’est pas du genre à quitter le navire quand cela va moins bien. Au contraire ! Il n’est pas homme non plus à partir sans s’assurer qu’il laisse une entreprise ou un club en bonne santé. Certes, depuis décembre 2019, il n’est plus le président du Chaumont FC, mais il reste au club comme vice-président et membre du comité directeur, estimant qu’il a encore un « rôle à jouer »… et parce qu’il n’aime pas rester sans rien faire !
Le Journal de la Haute-Marne :
Après autant d’années à la tête du Chaumont FC, pourquoi avez-vous décidé de passer la main ?
Jean-Pierre Delamarre :
« Mon âge ! Je vais avoir 78 ans dans un mois. Si j’ai un problème de santé, il faut sécuriser le club, comme je le fais avec les entreprises. On n’est pas éternel ! Ma vraie responsabilité, c’est qu’il y ait une entraide et que quelque chose soit mis en place. C’est déjà le cas, car le club est structuré. Quand il y a eu dépôt de bilan de l’ECAC, je ne voulais pas que tout ce qui avait été mis en place avec Claude Milesi et Henri Castel s’arrête. Je ne voulais pas que les équipes de jeunes disparaissent. J’ai racheté les actifs du club 1 000 francs environ, à l’époque et cela fait quarante ans que je suis au club. J’ai pris une licence de dirigeant pour les équipes de jeunes, car mon fils jouait, et j’ai été bombardé responsable des équipes de jeunes. En 1991, les dirigeants de l’époque et moi, nous voulions que cela continue et j’ai dit « banco, j’y vais ». J’aime le foot ! C’est une vraie école de la vie. Il y a un vrai relationnel entre tout le monde, un vrai melting-pot. C’est ça la vraie vie. »
Le Journal de la Haute-Marne :
Après toutes ces années de présidence, de quoi êtes-vous le plus fier ?
Jean-Pierre Delamarre :
« Pour moi, le foot, c’est ma soupape de sécurité, un moyen de me changer les idées. L’objectif premier, c’est les jeunes, les jeunes ! Les gamins ne trichent jamais. J’ai l’âge des mômes quand je les regarde. Le club a cinq équipes jeunes qui évoluent en Régional. Le but est de les amener au plus haut niveau possible. L’an dernier, les U15 ont gagné la coupe Régionale, les U17 ont été en finale et l’équipe « 3 », chez les seniors, a remporté la coupe de Haute-Marne, tout cela avec des gamins du coin et des éducateurs qui sont très impliqués et performants, le club ayant permis leur formation. Pour monter, il y a des obligations réglementaires, et nous sommes dans les clous. Plus cela va, plus il y a de contraintes, comme les arbitres, les éducateurs, les équipes de jeunes. Tout cela a un coût que l’on assume, car c’est l’état d’esprit même du club. »
Le Journal de la Haute-Marne :
Vous suivez vos petits-enfants qui sont au club de Sud 52. Pourquoi restez-vous au Chaumont FC, plutôt que d’aller à Saint-Geosmes ?
Jean-Pierre Delamarre :
« Le Chaumont FC, ce n’est pas mon bébé, mais presque ! Il faut assumer jusqu’au bout. Mon rôle, c’est que le club perdure. Il y a une vraie structure, avec des gens performants et des grands monsieurs, très pros, qui ont la fibre du club. J’ai énormément de respect pour eux. Mon souci, c’est la pérennité du Chaumont FC. Il n’est pas possible d’être dans deux clubs différents. A sud 52, je suis simple spectateur. Ils n’ont pas besoin de moi… »
« Pas de visibilité claire et précise du soutien de la ville »
Le Journal de la Haute-Marne :
Vous parlez de pérennité du Chaumont FC. Cela passe par quoi ?
Jean-Pierre Delamarre :
« La vraie question, elle est budgétaire. La ville a baissé une première fois la subvention de 10 000 euros et une seconde fois 10 000 euros. Je cherche à comprendre. La ville ne veut plus entendre parler du foot ? Veut-elle la mort du foot ? Elle a répondu que non, mais elle restreint les subventions… L’autre question est de savoir si notre bilan financier sain nous pénalise ? Faut-il avoir un bilan déficitaire pour qu’on nous aide ? Cela me paraît aberrant ! Si nos fonds propres sont négatifs, ce n’est pas possible ! On nous taxe de club riche, mais nos finances servent juste à subvenir à nos besoins. Est-ce que l’on veut bâtir quelque chose de durable dans le foot ? Avant, il y avait deux clubs en D2. Où en est-on aujourd’hui ? Avec la région Grand Est, c’est encore pire. Les « petites » villes « matchent » avec de grosses métropoles. Lorsque nous avons joué contre Le Puy, en coupe de France, cette équipe qui évoluait en N2 avait vingt contrats fédéraux ! Si on veut monter, nous avons une épée de Damoclès au-dessus de la tête, avec la gestion des finances du club auprès des instances du foot. Il n’y a pas de visibilité claire et précise du soutien de la ville. Oui, je me sens une vraie responsabilité par rapport à cela et, tant que je ne suis pas « gâteux », je reste ! »
Le Journal de la Haute-Marne :
Quelles sont les grosses différences dans le foot entre la période où vous avez débuté à la tête du Chaumont FC et maintenant ?
Jean-Pierre Delamarre :
« Le plus difficile, c’est d’avoir des bénévoles vraiment impliqués. Nous, nous avons la chance d’avoir de vrais bénévoles. Il y a des fidèles au club. On peut compter sur eux. Benoît (Collin, le nouveau président du CFC) est un môme du coin, qui a joué en D2. Il peut assumer la présidence, même s’il a des choses à apprendre. Personnellement, je trouve que l’état d’esprit des jeunes a changé. Ils sont moins impliqués, et les parents encore moins. On joue un vrai rôle social. Avec mes petits-enfants, il y a un vrai lien générationnel. On partage une passion commune. »
Le Journal de la Haute-Marne :
Avez-vous des regrets ?
Jean-Pierre Delamarre :
« Aucun ! J’ai fait perdurer le club et il n’y a jamais eu autant d’équipes au niveau régional. C’est ce que l’on souhaitait. On a atteint cet objectif et on perdure dans ce domaine. Les vrais acteurs, ce sont eux. Moi, je suis le garant. J’ai eu raison d’avoir fait ce que j’ai fait. Le sourire sur le visage des gamins, c’est la plus belle récompense. J’aime le foot pour cela, même si les réglementations, la gestion administrative et la gestion avec les instances, cela demande du temps. Il y a un vrai boulot ! »
Le Journal de la Haute-Marne :
N’avez-vous pas peur de faire de l’ombre à Benoît Collin, le nouveau président du Chaumont FC ?
Jean-Pierre Delamarre :
« J’ai déjà eu des entreprises. Ce n’est pas la première fois que je transmets quelque chose… Transmettre, ce n’est pas facile. Il faut écouter les jeunes, qui ont souvent de bonnes idées et après, il faut se poser la question de savoir comment on le finalise. Benoît m’a demandé de ne pas le laisser dans le « désert ». Je ne le laisserai pas ! Le plus important, c’est l’intérêt du club. »
Propos recueillis par Yves Tainturier
Article du journal de la Haute-Marne du 05/02/2020.
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